LE LARLE NAABA, REPONDANT A UNE QUESTION SUR LA CHEFERIE TRADITIONELLE SOUS LA REVOLUTION:

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« aucun chef ne prenait le risqué de porter son bonnet pour traverser la ville »
Je me réjouis avant tout d’avoir été invité à cette rencontre des jeunes avec le président du Faso qui a lieu dans le berceau de la Révolution. La tradition enseigne que « votre grosse tête ne vous quitte jamais, mais vos gros problèmes peuvent vous quitter ». C’est en cela que nous remercions l’avènement du Front populaire qui a réhabilité la chefferie traditionnelle et coutumière. C’est vrai que c’est à partir de 1990 que j’ai été intronisé. Je dois dire que j’ai été un CDR comme beaucoup de jeunes de mon âge. J’ai des témoins comme Mahamadi KOUANDA qui était venu me voir en 1985 pour que je sois le délégué du secteur 11. Ce jour-là, je lui ai dit que je suis un révolutionnaire mais que je ne pouvais pas lancer des slogans tels que : A bas la féodalité ! ; A bas les forces rétrogrades !… Tout simplement parce que mon père était chef et qu’il était inconcevable à mon sens de prononcer contre lui et tous les autres responsables traditionnels des slogans haineux.

Devant mon refus il m’a fait savoir qu’il voulait simplement que je mobilise les gens parce que j’en avais la capacité et que je ne serais pas tenu de lancer ou de répondre à des slogans que je ne partagerais pas… Face à mon refus pour les raisons invoquées, il m’a amené chez Roch Marc Christian KABORE, alors directeur général de la BIB, pour qu’il me convainque. A lui aussi, j’ai fait savoir que je ne pouvais assurer une responsabilité qui allait me contraindre à prononcer des slogans contre la féodalité. Roch a donc dit à KOUANDA de me laisser et de chercher quelqu’un d’autre. C’est ainsi que j’ai personnellement contribué à ma façon à la Révolution. Mais je peux témoigner de ce qu’ont vécu les chefs traditionnels sous la Révolution, de 1983 à 1987 parce que mon père était chef coutumier.

Quand par exemple un chef coutumier voulait se rendre chez le Moro Naba, il prenait soin de cacher son bonnet dans la poche pour éviter d’être arrêté par les CDR. C’est une fois arrivé chez le Moro Naba qu’il le portait. Aucun chef ne prenait le risque donc de porter son bonnet pour traverser la ville parce que malheur à lui s’il rencontrait un CDR. Il pouvait subir des manœuvres comme des « pompes ». Vous voyez, c’étaient des pratiques humiliantes, de la provocation. En quelque sorte c’était un manque de respect pour cette catégorie de la société. C’est la rectification qui a réhabilité les chefs coutumiers comme étant des gardiens et dépositaires des valeurs culturelles et des valeurs traditionnelles.

Aujourd’hui, avec l’avènement de l’Etat de droit, nous remercions le président Blaise COMPAORE qui a un projet de société qui prend en compte les valeurs culturelles partagées à savoir le respect, la dignité et la solidarité.

Nous devons aussi dire qu’autour du président, il y a de dignes fils et filles qui le soutiennent de façon sincère. Mais il faut reconnaître aussi qu’il y a des gens autour de lui qui ont toujours des attitudes CDR et qui manquent de respect à certaines couches de la société. Comme vous le savez, la révolution a eu deux phases, celle des CDR et celle des CR. Le Moro Naba a été invité pour la première fois au moment de la deuxième phase de la Révolution. C’était le 28 juin 1988 à la permanence du secteur 20 à l’occasion de la présentation des vœux du chef de l’Etat aux corps et missions diplomatiques. Depuis lors les chefs coutumiers font partie de l’ordre protocolaire.

Comme l’a dit le chef de l’Etat, considérer les chefs coutumiers au Burkina comme des féodaux, c’est méconnaître l’histoire du pays. Ce ne sont pas les chefs coutumiers qui gèrent les terres ; cela relève des chefs de terre à qui nous nous adressons lorsque nous avons nous-même besoin de terre pour cultiver. C’est donc à tort, qu’on accusait sous la Révolution les chefs coutumiers de féodaux. Mais comme on le dit « lorsqu’on veut abattre son chien, on met des plumes dans sa gueule ». Je souhaite que la paix règne dans ce pays. Que Dieux et les mânes bénissent le Burkina Faso.

Par Issoufou MAÏGA

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