LES TROIS …EUH!… MOUSQUETAIRES

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Il était une fois, dans un pays aride et pauvre, trois mousquetaires au destin singulier qui décidèrent d’aller ensemble à la chasse au pouvoir. Ce sont le débonnaire, l’activiste exhibitionniste et le bagareur professionnel. Ces trois mousquetaires aux desseins, valeurs et caractères si dissemblables, se sont mis en tête de s’associer pour conquérir le pouvoir, dans le pays des hommes intègres qu’ils rêvent de transformer en pays des hommes égoistes.

Le premier mousquetaire est né de riche famille. Son enfance fut épargnée de la disette et des privations. On dit de lui qu’il est né avec une cuillère d’or dans la bouche. Débonnaire, affable, insouciant, bon vivant, aimant la bonne chaire, il ne sait sortir de griffe que lorsque son appetit vorace lui prend. En temps ordinaire, il est d’une nature agréable et n’aime pas trop chercher noise ou se décarcasser. Quand il daigne aller à la chasse au pouvoir, ce sont les autres qui l’y poussent en le pensant plus apte à saisir les bonnes proies. Plutôt que de le laisser attendre tranquillement qu’on lui donne les bons postes comme il en a l’habitude, les autres l’incitent à s’en procurer dans le secret espoir de le rouler ensuite et le déposséder.

Le deuxième est de sombre origine familiale, vivant de colère dès le bas âge, ses voisins de chambre se souviennent de ses multiples fureurs. D’humeur massacrante, toujours va-t-en guerre, au verbe haineux et violent, il est à lui tout seul une guerre civile ambulante. Il ne sort de sa bouche qu’injures, parjures et jurons. Il est la haine personnifiée. Il déteste tout le monde, sauf lui-même et peut-être ceux qui servent ses intérêts et son égo surdimensionné. Friand de combines et de gains faciles, il est toujours à l’affût pour piéger même les mouettes.

Toujours deuxième alors qu’il aspire aux premiers rôles, il s’accoquine toujours avec plus fort que lui pour mieux le détruire. Il maîtrise l’art de se servir des autres pour atteindre ses fins, sans jamais en donner l’air. Il est d’une rancune tenace et sa vengeance est un plat qui se mange à froid. Il ruse en permanence pour abattre ses proies. Pour faire équipe avec lui, il ne faut jamais lui tourner le dos. Chez lui, la cible n’est jamais dans la direction qu’il vise. L’homme a mille tours dans son sac pour surprendre l’ennemi. Sa trop grande assurance a toujours causé sa perte, mais, il ne s’avoue jamais vaincu.

Il préfère avancer masqué car son image n’est pas vendable pour un sous. Connu pour être l’homme des basses besognes, il s’est fait beaucoup d’ennemis morts et vivants. Jamais reconnaissant, l’homme aime particulièrement se délecter des humiliations des autres. Humilier autrui en public le fait jouir et lui donne une sensation de puissance. Il s’acharne toujours sur plus faible que lui. Il se jette avec la dernière énergie à la quête du pouvoir en feignant y mettre les autres. Normal, il n’est pas “un yes man”. Quitte à éliminer ses deux comparses après, il tentera le tout pour le tout.

Le troisième mousquetaire est comme un fou du roi. Il a le verbe haut en couleur pour amuser les foules. Nul n’a le secret de ses pittreries et de ses formules drôles et souvent vulgaires. Il se mêle toujours de ce qui ne le regarde pas. Il en vient souvent à devenir ridicule en forçant pour faire sensation. Populiste, il l’est dès le berceau car la foule des fidèles du temple lui servait d’auditoire acquis. Son art à lui, c’est endormir les consciences par les blagues qui annhilent la pensée lucide. Point n’est besoin de chercher le sens profond de ses propos creux. Rompu à l’art de la parole, il en use et abuse surtout quand il s’agit de jouer à la victime pour se faire prendre en pitié.

De nature versatile comme un caméléon ou un homme de théâtre, il tient avec ferveur son rôle, jouant à la fois le bandit, le maltraité, le parolier, l’amuseur public, le mal-causeur ou l’activiste de service. Il en est heureux. Cela lui redonne une deuxième jeunesse. Il n’y a pas très longtemps, il faisait le tour du monde pour annoncer son retrait de la vie publique. Il revient en grande pompe pour son dernier tour d’honneur. Il compte bien livrer sa dernière bataille, avant que les rideaux ne se ferment définitivement. Alors, oubliant ses handicaps multiples, il gesticule, sautille, s’égosille, s’admire. Il est très fier de se retrouver au coeur de l’action, au milieu d’une foule qui l’applaudit.

Tous trois, on les appelait les apparatchiks, les caciques du parti, les gourous, les leaders, les hommes forts, les pilliers du régime, les premiers responsables du parti, les mogho puissants, les ténors et que sais-je encore? Ils ont eu le pouvoir, les honneurs et les faveurs diverses. Puis un jour, tout cela s’est arrêté, les laissant sur leur faim. Ne sachant plus comment vivre en citoyens lambda ou en simples conseillers/camarades, ils claquèrent la porte du parti. Ils décidèrent de s’associer pour conquérir le pouvoir, les honneurs et les faveurs perdus. Ils ne s’épargnent aucune peine, ni déshonneur pour être à la hauteur du défi.

Mais, c’est une chose que de vouloir conquérir à tout prix le pouvoir. Le gérer ensemble, est une autre paire de manche. Ils n’en sont pas à leur première expérience, eux qui firent les gourous et les caciques du parti-état. Si aujourd’hui ils ont  fait équipe à trois pour vaincre l’ennemi commun qu’est l’enfant terrible sur le perchoir, nul n’est dupe pour ignorer les desseins du revanchard. En habitué du fait, il dissimule son poignard dans le dos, prets à régler les vieux comptes non soldés d’une autre époque. L’activiste exhibitionniste n’en a cure, lui ce qui l’intéresse c’est le bain de foule. C’est le débonnaire que tout le monde plaint, ce demandant ce qu’il est allé chercher dans cette galère. Mais ne dit-on pas que le coeur a ses raisons personnelles que la raison elle-même ignore? N’allons pas donc vite en besogne pour dire qu’il a été séduit par le bagareur professionnel. Attendons donc de voir.

Qui connait bien ces trois comparses, sait que leur cohabitation forcée au sein de parti touk-gili n’a pas été une mince affaire. Il a fallu le rôle pivot de leur mentor pour faire taire les guerres larvées et ouvertes. C’est lui qui séparait les bagares et géraient les conflits d’égos. Abandonnés à eux seuls, ces trois personnages aux caractères dissemblables ne sauront passer une journée entière sans s’étriper. Personne n’oserait parier sur le succès de leur collaboration. C’est pourquoi leur aventure requiert toute l’attention. Ce n’est pas qu’une fable mais une bien triste réalité. Leur volonté de conquête peut conduire à une grave instabilité politique, qui peut détruire le pauvre pays déjà frappé par l’aridité